Est-ce que nous sommes les Acteurs ou les Spectateurs de notre propre Spectacle ?
Au moment où j’enregistre ceci, nous sommes à 24 h tout juste de la fin du « dé-confinement « .
Alors le sujet de ce mois-ci résonne tout particulièrement pour moi.
Vivons-nous dans la société du spectacle ?
Abreuvés de réseaux sociaux, de télévisions, d’informations à tout va dans de longs tunnels d’images, nous vivions jusqu’alors dans une société du spectaculaire. Tout était prétexte à mise en scène. Nous allions même jusqu’à la mise en scène de nous même régulièrement, pour une photo, ou une vidéo que nous postions sur nos murs Facebook ou Instagram. Bref nous étions dans la représentation de l’image du bonheur simulé. Mais étions-nous des acteurs d’un spectacle social comme le décrivait Guy Debord dans son ouvrage » la société du spectacle ? »
Et puis est arrivé le confinement, les couvre-feux, et nous avons été forcé, contraints de constater notre propre spectacle, nos propres images dans les miroirs de nos maisons. Nous avons vécu durant 55 jours avec nous-mêmes, et nos images parfois trafiquées de notre réalité sociale, que nous alimentons chaque jour un peu plus.
Acting is like real life without troubles
Nous avons dans un ultime sursaut de survie spectaculaire investie numériquement nos espaces d’expression organisant tant des apéros zoom, que des grands rassemblements de voisins aux fenêtres pour applaudir à grand renfort de musiques et de banderoles les héros de notre quotidien.
Notre mise en scène était impeccable.Nous jouions à être dans la vraie vie ce que nous espérons être au fond de nous-mêmes. Mais sommes-nous similaires à nos images, à nos constructions numériques ?
Nous nous sommes même découvert des sympathies toutes neuves pour nos voisins directs que nous ne connaissions pas du tout, malgré les nombres d’années à se croiser dans la cage d’escalier. Signe que notre manque de spectateurs virtuels était important ? Ou simple effet de la volonté d’être dans un rapport social spectaculaire comme le décrivait Debord ?
Être un acteur c’est savoir que l’on ment, alors qu’être spectateur c’est croire à ce mensonge.
Je peux pas j’ai Zoom.
La première des nécessités sociales c’est de se sentir indispensable. Mais le revers de cette médaille c’est de devoir correspondre à l’image que l’on attend de vous. Combien d’entre nous ont alors réalisé des réunions zoom avec leurs collègues, leurs supérieurs hiérarchiques, tout en maintenant une allure respectable de la tête à la taille ? Cravate costume, chemise, tout l’attirail était bien présent, mais en dessous de la ligne de vision de nos webcams, combien ont dans le feutré de leurs habitations, privilégiés, le caleçon, le bas de pyjama, et les Charentaises ?
Nourrir le spectacle pour correspondre à cette mise en scène. Pourtant, que nous soyons en bras de chemise où en maillot de bain qu’est-ce qui empêche que le travail soit bien réalisé ? Et pourtant nous continuons à nous donner la réplique. Se donner le change c’est aussi maintenir l’illusion.
L’application Reine pour le travail collaboratif par visioconférence se nomme Zoom, et elle a choisi le bon nom, il me semble. C’est un Zoom permanent sur un point précis pour ne pas voir le reste de l’image.
Situationnisme, le grand détour ne ment !
Ce que Guy Debord analyse assez bien dans « La société du spectacle » et la réédition augmentée qu’il réalisera plusieurs années après la première sortie, c’est justement ce qu’il réalisa avec la fondation du situationnisme : une critique ouverte du spectacle dans le rapport social afin de le replacer dans un environnement approprié. Car pour Guy Debord le Spectacle est la religion de la marchandise, ce qui est une idée qu’il rejette puisque c’est l’appareil de propagande du capitalisme.
Car toute cette mise en scène que nous employons dans nos quotidiens social, n’ont que deux issues possibles : Flatter nos égos et nous conformer à l’image sociale que nous souhaiterions être notre vrai nous. Ou bien magnifier notre vie pour en faire une œuvre d’art.
Mais pour les situationnistes le regard qu’ils portent sur cela est autre : Un rapport social entre des personnes médiatisées par des images, qui laisse entrevoir la société de consommation comme une société qui se nourrit n’ont plus de matières premières, mais aussi des personnes la composant. Plaçant ainsi l’humain dans une position de consommable, au milieu des autres. En étant dans un rapport social spectacle, on devient un produit comme un autre, et notre survie ne dé pend que de notre capacité à nous vendre comme on vendrait un paquet de pâte dans une tête de gondole d’un hypermarché.
Pour cela le mouvement situationniste va utiliser le détournement pour montrer une voie possible. Ils ont détourné nombre de romans-photos par exemple pour arriver à prouver leurs points de vue.
Guy Debord qui écrivait dans « rapport sur la construction des situations » le document fondateur du mouvement : « changer le monde […] et un emploi unitaire de tous les moyens de bouleversement de la vie quotidienne ».
Comment alors ne pas regarder « la société du spectacle » comme un détournement visant à bouleverser la vie quotidienne ?
Visionnaire ?
Alors Guy Debord était-il un visionnaire ?
Avait-il un regard si perçant qu’il décrivit l’avenir avec une certaine précision et cela dès le début des années 70 ?
Pourquoi voit-on autant de ses citations tronquées et réécrites pour certaines sur tous les réseaux sociaux, le rendant aussi détourné que Aldoux Huxley ?
Vit-on vraiment dans la société du spectacle ? OU est-ce une pure idée illusoire ? Ne doit-on repenser la notion de société de consommation pour celle de société du spectacle ?
Pour moi ces questions restent posées.
Néanmoins et pour aller plus loin dans le poste zéro, on va tenter d’en savoir plus.
C’est pourquoi on va aller se poser la question ce mois-ci de ce que Guy Debord a bien pu vouloir dire ?
Bref
vit-on dans la société du Spectacle ?
Avec
Christophe Bourseiller Auteur, universitaire, de renom qui a écrit une biographie de Guy Debord « Vie et mort de Guy Debord ». Comment lui voit-il ce sujet, et surtout quel est son regard sur Debord, le fondateur du mouvement situationniste ?
Puis nous sommes allés trouver Alain Guyard, que nous connaissons bien sur cette Antenne.
Alain Guyard Philosophe Forain, qui va nous éclairer sur sa vision de la question et sur le regard qu’il porte à Debord et à son côté libertaire.
Vivons nous dans la société du Spectacle?
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